Dr Flavia Bustreo, sous-directrice générale chargée de la santé de la famille, de la femme et de l’enfant tout au long de la vie, Organisation mondiale de la santé
Nous avons parcouru un long chemin depuis 1995 – et il est temps de célébrer les femmes et leurs réalisations. Mais il est également temps de faire le point sur la manière dont les droits des femmes sont réalisés dans le monde — notamment le droit à la santé. Vingt ans après que les pays ont signé des engagements dans la Déclaration et le Programme d’action de Pékin de 1995, les femmes sont toujours confrontées à de nombreux problèmes de santé et nous devons nous engager à nouveau à les résoudre.
Voici dix des principaux problèmes concernant la santé des femmes qui m’empêchent de dormir la nuit :
Cancer : Deux des cancers les plus courants qui touchent les femmes sont les cancers du sein et du col de l’utérus. La détection précoce de ces deux cancers est essentielle pour maintenir les femmes en vie et en bonne santé. Les derniers chiffres mondiaux montrent qu’environ un demi-million de femmes meurent chaque année du cancer du col de l’utérus et un demi-million du cancer du sein. La grande majorité de ces décès surviennent dans les pays à revenu faible ou intermédiaire où le dépistage, la prévention et le traitement sont quasiment inexistants, et où la vaccination contre le virus du papillome humain doit s’imposer.
En 2015, dans trop de pays, « l’autonomisation des femmes » reste une chimère – guère plus qu’une fioriture rhétorique ajoutée au discours d’un politicien….
Dr Flavia Bustreo, ADG
Santé reproductive : Les problèmes de santé sexuelle et reproductive sont responsables d’un tiers des problèmes de santé des femmes âgées de 15 à 44 ans. Les rapports sexuels non protégés sont un facteur de risque majeur – en particulier chez les femmes et les filles des pays en développement. C’est pourquoi il est si important de fournir des services aux 222 millions de femmes qui ne bénéficient pas des services de contraception dont elles ont besoin.
Santé maternelle : De nombreuses femmes bénéficient aujourd’hui d’améliorations massives des soins pendant la grossesse et l’accouchement introduites au siècle dernier. Mais ces avantages ne s’étendent pas partout et, en 2013, près de 300 000 femmes sont mortes de complications liées à la grossesse et à l’accouchement. La plupart de ces décès auraient pu être évités, si l’accès au planning familial et à certains services assez basiques avait été mis en place.
Le VIH : Trois décennies après le début de l’épidémie de sida, ce sont les jeunes femmes qui supportent le poids des nouvelles infections par le VIH. Trop de jeunes femmes luttent encore pour se protéger contre la transmission sexuelle du VIH et pour obtenir le traitement dont elles ont besoin. Cela les rend également particulièrement vulnérables à la tuberculose – l’une des principales causes de décès dans les pays à faible revenu des femmes de 20 à 59 ans.
Les infections sexuellement transmissibles : J’ai déjà mentionné l’importance de se protéger contre le VIH et l’infection par le papillomavirus humain (HPV) (l’IST la plus courante au monde). Mais il est également vital de mieux prévenir et traiter des maladies comme la gonorrhée, la chlamydia et la syphilis. La syphilis non traitée est responsable de plus de 200 000 mort-nés et morts fœtales précoces chaque année, et du décès de plus de 90 000 nouveau-nés.
La violence à l’égard des femmes : Les femmes peuvent être soumises à différentes formes de violence, mais la violence physique et sexuelle – exercée par un partenaire ou une autre personne – est particulièrement odieuse. Aujourd’hui, une femme sur trois de moins de 50 ans a subi des violences physiques et/ou sexuelles de la part d’un partenaire, ou des violences sexuelles non liées à un partenaire – des violences qui affectent leur santé physique et mentale à court et à long terme. Il est important que les professionnels de santé soient attentifs à la violence afin de pouvoir contribuer à la prévenir, ainsi qu’à apporter un soutien aux personnes qui la subissent.
Santé mentale : Les preuves suggèrent que les femmes sont plus enclines que les hommes à souffrir d’anxiété, de dépression et de plaintes somatiques – des symptômes physiques qui ne peuvent être expliqués médicalement. La dépression est le problème de santé mentale le plus courant chez les femmes et le suicide une des principales causes de décès chez les femmes de moins de 60 ans. Aider à sensibiliser les femmes aux problèmes de santé mentale et leur donner la confiance nécessaire pour demander de l’aide est vital.
Maladies non transmissibles : En 2012, quelque 4,7 millions de femmes sont mortes de maladies non transmissibles avant d’avoir atteint l’âge de 70 ans – la plupart dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Elles sont mortes des suites d’accidents de la route, de l’usage nocif du tabac, de l’abus d’alcool, de drogues et de substances, et de l’obésité — plus de 50 % des femmes sont en surpoids en Europe et dans les Amériques. Aider les filles et les femmes à adopter très tôt des modes de vie sains est la clé d’une vie longue et saine.
Etre jeune : Les adolescentes sont confrontées à un certain nombre de défis en matière de santé sexuelle et reproductive : IST, VIH et grossesse. Environ 13 millions d’adolescentes (moins de 20 ans) donnent naissance chaque année. Les complications liées à ces grossesses et à l’accouchement sont l’une des principales causes de décès de ces jeunes mères. Beaucoup d’entre elles subissent les conséquences d’un avortement à risque.
Vieillir : Ayant souvent travaillé à la maison, les femmes âgées peuvent avoir moins de pensions et d’avantages, moins d’accès aux soins de santé et aux services sociaux que leurs homologues masculins. Si l’on combine le risque accru de pauvreté avec d’autres conditions de la vieillesse, comme la démence, les femmes âgées ont également un risque plus élevé d’abus et, de manière générale, de mauvaise santé.
Lorsque je reste éveillée en pensant aux femmes et à leur santé à l’échelle mondiale, je me rappelle : le monde a fait beaucoup de progrès ces dernières années. Nous en savons plus, et nous parvenons de mieux en mieux à appliquer nos connaissances. À offrir aux jeunes filles un bon départ dans la vie.
Et on a assisté à une recrudescence de la volonté politique de haut niveau – attestée tout récemment par la Stratégie mondiale pour la santé des femmes et des enfants du Secrétaire général des Nations unies. L’utilisation des services, notamment ceux de santé sexuelle et reproductive, a augmenté dans certains pays. Deux facteurs importants qui influent sur la santé des femmes – à savoir le taux de scolarisation des filles et une plus grande participation politique des femmes – ont augmenté dans de nombreuses régions du monde.
Mais nous n’en sommes pas encore là. En 2015, dans trop de pays, « l’autonomisation des femmes » reste une chimère – guère plus qu’une fioriture rhétorique ajoutée au discours d’un politicien. Trop de femmes n’ont toujours pas la possibilité de s’instruire, de subvenir à leurs besoins et d’obtenir les services de santé dont elles ont besoin, quand elles en ont besoin.
C’est pourquoi l’OMS travaille si dur pour renforcer les systèmes de santé et faire en sorte que les pays disposent de systèmes de financement solides et d’un nombre suffisant d’agents de santé bien formés et motivés. C’est pourquoi l’OMS, avec ses partenaires des Nations unies et du monde entier, se réunit à la Commission de la condition de la femme des Nations unies du 9 au 20 mars 2015 à New York. Nous nous pencherons à nouveau sur les engagements pris dans la Déclaration et le Programme d’action de Beijing de 1995 en vue de renouveler l’effort mondial pour supprimer les inégalités qui mettent des services de santé décents hors de portée de tant de femmes.
Et c’est pourquoi l’OMS et ses partenaires élaborent une nouvelle stratégie mondiale pour la santé des femmes, des enfants et des adolescents, et s’emploient à inscrire la santé des femmes dans les Objectifs de développement durable des Nations unies pour l’après 2015. Il ne s’agit pas seulement de fixer des cibles et des indicateurs, mais de catalyser les engagements en termes de politique, de financement et d’action, afin que l’avenir apporte la santé à toutes les femmes et les filles – qui qu’elles soient, où qu’elles vivent.