La deuxième croisade

Explorer la vie de Saint Bernard de Clairvaux

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Vue d’ensemble de St. Bernard de Clairvaux.

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Il était depuis longtemps évident qu’Édesse était vulnérable, mais sa perte fut un choc pour les chrétiens d’Orient et d’Occident. Des appels urgents à l’aide parvinrent bientôt en Europe et, en 1145, le pape Eugène III publia une bulle officielle sur la croisade, Quantum praedecessores (« Combien nos prédécesseurs »). Il s’agissait de la première bulle de ce type, dont les dispositions, formulées avec précision, visaient à protéger les familles et les biens des croisés et reflétaient les avancées contemporaines du droit canonique. La Croisade est prêchée par saint Bernard de Clairvaux en France et, avec l’aide d’interprètes, même en Allemagne. Bernard a révolutionné l’idéologie de la Croisade, affirmant que la Croisade n’était pas simplement un acte de charité ou une guerre pour sécuriser les lieux saints, mais un moyen de rédemption. Dans sa miséricorde, le Christ offrait aux guerriers d’Europe une voie bénie de salut, un moyen par lequel ils pouvaient abandonner tout ce qu’ils possédaient pour le suivre.

Comme lors de la première croisade, de nombreux simples pèlerins répondirent à l’appel. Cependant, contrairement à la première croisade, la deuxième croisade était dirigée par deux des plus grands souverains d’Europe, le roi Louis VII de France et l’empereur Conrad III d’Allemagne. Louis soutient la Croisade avec enthousiasme, mais Conrad est d’abord réticent et ne se laisse convaincre que par l’éloquence de saint Bernard. La deuxième croisade différait également de la précédente en ce qu’elle avait trois objectifs au lieu d’un. Alors que les rois d’Allemagne et de France marchaient vers l’est pour restaurer Édesse, d’autres croisés se rendaient en Espagne pour combattre les musulmans ou sur les rives de la mer Baltique pour combattre les Wends païens.

Croisades
Croisades

Soldats musulmans assiégeant des croisés dans une tour, détail d’une miniature dans Les Grandes Chroniques de France, première moitié du XIVe siècle ; à la British Library, Londres (MS. Royal 16 G VI).

Reproduit avec l’autorisation de la British Library

La situation en Orient était également différente. Manuel Comnène, l’empereur byzantin, n’était pas heureux de découvrir qu’une autre croisade se dirigeait vers Constantinople. La deuxième croisade a fait des ravages dans sa politique étrangère, qui comprenait une alliance avec l’Allemagne, Venise et le pape contre les Normands. Elle complique également les relations pacifiques de l’empereur avec le sultan turc de Rūm. Manuel conclut une trêve avec le sultan en 1146 afin de s’assurer que la Croisade n’inciterait pas le sultan à attaquer les terres byzantines en Asie. Bien que judicieuse sur le plan stratégique, la démarche de l’empereur confirma pour de nombreux chrétiens d’Occident l’apostasie des Grecs.

Conrad partit en mai 1147, accompagné de nombreux nobles allemands, des rois de Pologne et de Bohême, et de Frédéric de Souabe, son neveu et futur empereur Frédéric Ier (Frédéric Barberousse). Les troupes peu disciplinées de Conrad créent des tensions à Constantinople, où elles arrivent en septembre. Conrad et Manuel restent cependant en bons termes, et tous deux appréhendent les manœuvres du roi Roger II de Sicile, qui, au cours de ces mêmes semaines, s’empare de Corfou et attaque le continent grec.

Conrad, rejetant le conseil de Manuel de suivre la route côtière autour de l’Asie Mineure, déplace sa force principale au-delà de Nicée, directement en Anatolie. Le 25 octobre, à Dorylaeum, non loin de l’endroit où les premiers croisés ont remporté leur victoire, son armée, épuisée et sans provisions adéquates, est prise à partie par les Turcs et pratiquement détruite. Conrad, avec quelques survivants, se retire à Nicée.

Louis VII, accompagné de sa femme, Aliénor d’Aquitaine, suit la route terrestre à travers l’Europe et arrive à Constantinople le 4 octobre, environ un mois après les Allemands. Quelques-uns de ses partisans les plus impétueux, apprenant que Manuel avait conclu une trêve avec les Turcs d’Iconium et se méprenant totalement sur ses motifs, accusent l’empereur de trahison et exhortent le roi de France à se joindre à Roger pour attaquer les Byzantins. Louis préféra l’avis de ses conseillers moins versatiles et accepta de restituer les possessions impériales qu’il pourrait capturer.

Eléonore d'Aquitaine et Louis VII
Eléonore d’Aquitaine et Louis VII

Eléonore d’Aquitaine épousant Louis VII en 1137 (scène de gauche) et Louis VII partant pour la deuxième croisade (1147), dessin tiré des Chroniques de Saint-Denis, fin du XIVe siècle.

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En novembre, les Français atteignent Nicée, où ils apprennent la défaite de Conrad. Louis et Conrad se lancent alors sur la route côtière, les Français étant désormais à l’avant-garde, et atteignent Éphèse. Conrad tombe gravement malade et retourne à Constantinople sous les soins de Manuel. Après avoir récupéré, il finit par atteindre Acre par bateau en avril 1148.

Le passage des Français d’Éphèse à Antioche en plein hiver fut extrêmement pénible. Les approvisionnements manquaient, et les Byzantins étaient injustement blâmés. Manuel défendit ses villes contre les croisés en colère, ce qui signifie que les Français dépensèrent plus d’énergie à combattre les chrétiens que les musulmans. Louis en conclut que les Grecs tentent d’affaiblir la croisade. Lorsqu’il atteint Antioche, gouvernée par l’oncle d’Aliénor, le prince Raymond, il a perdu le gros de ses troupes à cause des attaques turques. L’objectif initial de la Croisade de reprendre Édesse n’était plus réalisable, car Nūr al-Dīn, le fils et successeur de Zangī, avait massacré les habitants chrétiens de la ville, rendant difficile la prise et le maintien d’Édesse avec les forces disponibles. Raymond préconise une attaque sur Alep, le centre de pouvoir de Nūr al-Dīn. Mais le roi Louis, qui n’appréciait pas qu’Aliénor épouse ouvertement le projet de Raymond, partit brusquement pour Jérusalem et obligea la reine à le rejoindre.

À Jérusalem, où Conrad était déjà arrivé, de nombreux notables français et allemands se réunirent avec la reine Mélisende, son fils Baldwin III et les barons de Jérusalem pour discuter de la meilleure façon de procéder. Malgré l’absence des princes du Nord et les pertes déjà subies par les croisés, il est possible de mettre sur pied une armée de près de 50 000 hommes, la plus grande armée de croisade réunie à ce jour. Après un débat considérable, qui a révélé les objectifs contradictoires des croisés et des barons de Jérusalem, il a été décidé d’attaquer Damas.

Comment la décision a été prise n’est pas connue. Damas était sans aucun doute un prix tentant. Son souverain, Unur, craignant l’expansion du pouvoir de Nūr al-Dīn, était le seul souverain musulman le plus disposé à coopérer avec les Francs. Cependant, Unur était désormais contraint de solliciter l’aide de son ancien ennemi pour les contrecarrer. Et Nūr al-Dīn ne tarda pas à se diriger vers Damas. Non seulement la campagne des Croisés était mal conçue, mais elle était mal exécutée. Le 28 juillet, après un siège de quatre jours, alors que les forces de Nūr al-Dīn approchaient de la ville, il devint évident que l’armée croisée était dangereusement exposée, et une retraite fut ordonnée. Ce fut un échec humiliant, imputable en grande partie aux intérêts contradictoires des participants.

Conrad décampa pour Constantinople, où il accepta de se joindre à l’empereur contre Roger de Sicile. La réaction de Louis est différente. Son ressentiment à l’égard de Manuel, qu’il rendait responsable de l’échec, était si grand qu’il accepta l’offre de Roger de lui fournir des navires pour le ramener chez lui et accepta un plan pour une nouvelle croisade contre Byzance. Faute de soutien papal, le plan n’aboutit à rien, mais la perception que les Byzantins faisaient partie du problème plutôt que de la solution se répandit en Europe.

La deuxième croisade avait été promue avec beaucoup de zèle et avait suscité de grands espoirs. Son effondrement provoqua une profonde consternation. Cherchant une explication, saint Bernard se tourna vers l’Écriture et prêcha que la Croisade avait échoué à cause du péché de l’Europe. Ce n’est que par la purification et les prières des hommes et des femmes chrétiens que Dieu s’apaiserait et accorderait à nouveau la victoire à ses chevaliers. Cette croyance est devenue un élément central de l’idéologie de la croisade et une impulsion importante pour les mouvements de piété laïque au cours du Moyen Âge. Les musulmans, quant à eux, ont été énormément encouragés par l’effondrement de la deuxième croisade, car ils avaient affronté le danger d’une autre grande expédition occidentale et avaient triomphé.

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