La décision d’envahir le Vietnam a été prise par Napoléon III en juillet 1857. Elle résulte non seulement de la propagande missionnaire mais aussi, après 1850, de l’essor du capitalisme français, qui engendre le besoin de marchés outre-mer et le désir d’une plus grande part française des territoires asiatiques conquis par l’Occident. Le commandant de la marine en Asie orientale, Rigault de Genouilly, longtemps partisan d’une action militaire française contre le Vietnam, reçoit l’ordre d’attaquer le port et la ville de Tourane (Da Nang) et d’en faire une base militaire française. Genouilly arrive à Tourane en août 1858 avec 14 navires et 2 500 hommes ; les Français prennent d’assaut les défenses du port le 1er septembre et occupent la ville un jour plus tard. Genouilly reconnaît cependant rapidement qu’il ne peut plus progresser autour de Tourane et décide d’attaquer Saigon. Laissant une petite garnison derrière lui pour tenir Tourane, il navigue vers le sud en février 1859 et s’empare de Saigon deux semaines plus tard.
La résistance vietnamienne empêche les Français d’avancer au-delà de Saigon, et il faut attendre 1861 pour que les troupes françaises, sous un nouveau commandement, occupent les trois provinces adjacentes. Les Vietnamiens, incapables d’opposer une résistance efficace aux envahisseurs et à leurs armes perfectionnées, concluent un traité de paix en juin 1862, qui cède les territoires conquis à la France. Cinq ans plus tard, d’autres territoires du sud sont placés sous domination française. L’ensemble de la colonie fut nommé Cochinchine.
Il avait fallu aux Français un peu plus de huit ans pour se rendre maîtres de la Cochinchine (un protectorat avait déjà été imposé au Cambodge en 1863). Il leur fallut 16 années supplémentaires pour étendre leur contrôle sur le reste du pays. Ils ont fait une première tentative pour pénétrer dans le delta du fleuve Rouge en 1873, après qu’un officier de marine et explorateur français du nom de Francis Garnier eut démontré, lors d’une expédition hasardeuse, que le Mékong ne pouvait servir de route commerciale vers le sud-ouest de la Chine. Garnier bénéficiait d’un certain soutien de la part du gouverneur français de Cochinchine, mais lorsqu’il fut tué dans une bataille avec des pirates chinois près de Hanoï, la tentative de conquête du nord s’effondra.
En l’espace d’une décennie, la France était revenue à la charge. En avril 1882, avec la bénédiction de Paris, l’administration de Saigon envoya une force de 250 hommes à Hanoi sous le commandement du capitaine Henri Rivière. Lorsque Rivière est tué lors d’une escarmouche, Paris décide d’imposer son autorité par la force sur l’ensemble du delta du fleuve Rouge. En août 1883, la cour vietnamienne signe un traité qui fait du nord du Vietnam (nommé Tonkin par les Français) et du centre du Vietnam (nommé Annam, d’après un ancien nom chinois de la région) des protectorats français. Dix ans plus tard, les Français annexent le Laos et l’ajoutent à l’Union indochinoise, créée par les Français en 1887. Cette union était composée de la colonie de Cochinchine et des quatre protectorats de l’Annam, du Tonkin, du Cambodge et du Laos.