Le premier coup de feu de la guerre civile

La reddition de Fort Sumter, 1861

L’élection d’Abraham Lincoln en novembre 1860 provoque la sécession des États du Sud de l’Union. La Caroline du Sud est la première à partir. Au moment de la convocation d’une convention constitutionnelle pour établir la Confédération en février 1861, six autres États l’avaient rejointe. La majorité des dirigeants sudistes qui participèrent à la convention s’attendaient à une sécession pacifique ; ils ne prévoyaient pas que leur action déboucherait sur un conflit sanglant. Ils ont eu tort. Le fort Sumter, situé dans le port au large de la ville de Charleston, en Caroline du Sud, allait en apporter la preuve.


Tirant sur le fort Sumter
D’après une illustration contemporaine.

Après sa sécession de l’Union, la Caroline du Sud se percevait comme un État souverain – la présence de forces de l’Union dans une forteresse armée dont les canons commandaient son principal port était intolérable car elle démentait son indépendance. Pour le président Lincoln, l’abandon volontaire de cette forteresse était tout aussi intolérable car il s’agirait d’une reconnaissance tacite du statut indépendant de la Caroline du Sud.

Lincoln apprit que la garnison de Fort Sumter était en difficulté le jour de sa prise de fonction en mars 1861. La garnison commençait à manquer de nourriture et de provisions et n’avait aucun moyen de s’en procurer à terre. Le président ordonne l’envoi immédiat d’une expédition de secours et informe le gouverneur de Caroline du Sud de sa décision. Alerté, le général P.G.T Beauregard, commandant des forces militaires confédérées, comprend qu’il doit rapidement forcer l’évacuation du fort avant l’arrivée de l’expédition de secours. Il essaierait d’abord les menaces, et si celles-ci échouaient, il bombarderait le fort pour l’obliger à se soumettre.

« …ce coup de feu fut un son d’alarme qui fit se lever tous les soldats du port. »

Dans l’après-midi du 11 avril, brandissant un drapeau blanc, deux membres de l’état-major du général Beauregard traversèrent à la rame le port de Charleston jusqu’au fort Sumter, portant une demande écrite de reddition. L’un des émissaires – Stephen D. Lee – a écrit sur cette expérience après la guerre :

« Cette demande a été remise au major Anderson à 15h45, par deux aides du général Beauregard, James Chesnut, Jr, et moi-même. A 16h30, il nous remit sa réponse, refusant d’accéder à la demande ; mais il ajouta :  » Messieurs, si vous ne mettez pas le fort en pièces autour de nous, nous serons affamés dans quelques jours « . La réponse du major Anderson fut remise au général Beauregard à 17 h 15, et il fut également informé de cette remarque informelle. La réponse et la remarque d’Anderson sont communiquées aux autorités confédérées à Montgomery. Le secrétaire à la Guerre, L.P. Walker, répondit à Beauregard comme suit : »

« Ne désirez pas inutilement bombarder Fort Sumter. Si le major Anderson indique l’heure à laquelle, comme il l’a indiqué, il évacuera, et convient qu’entre-temps il n’utilisera pas ses canons contre nous, à moins que les nôtres ne soient employés contre Fort Sumter, vous êtes autorisé ainsi à éviter l’effusion de sang. Si cela, ou son équivalent, est refusé, réduisez le fort comme votre jugement décide d’être le plus praticable.’

« Les mêmes aides portaient une deuxième communication au major Anderson, basée sur les instructions ci-dessus, qui a été placée dans, ses mains à 12h45, le 12 avril. Sa réponse indiquait qu’il évacuerait le fort le 15, à condition qu’il ne reçoive pas entre-temps des instructions contradictoires de son gouvernement, ou des approvisionnements supplémentaires, mais il refusait d’accepter de ne pas ouvrir ses canons sur les troupes confédérées, dans le cas d’une manifestation hostile de leur part contre son drapeau. Le major Anderson fit tous les efforts possibles pour retenir les aides jusqu’au jour, donnant une excuse puis une autre pour ne pas répondre. Finalement, à 3 h 15 du matin, il a donné sa réponse. Conformément à leurs instructions, les aides la lisent et, la trouvant insatisfaisante, donnent au major Anderson cette notification : »

« FORT SUMTER, S.C., 12 avril 1861, 3h20 du matin – SIR : Par autorité du brigadier-général Beauregard, commandant les forces provisoires des États confédérés, nous avons l’honneur de vous notifier qu’il ouvrira le feu de ses batteries sur Fort Sumter dans une heure à partir de cette heure. Nous avons l’honneur d’être très respectueusement, Vos serviteurs obéissants, JAMES CHESNUT JR, Aide de camp. STEPHEN D. LEE, capitaine de l’armée américaine, aide de camp.’

« La note ci-dessus a été écrite dans une des casemates du fort, et en présence du major Anderson et de plusieurs de ses officiers. En la recevant, il a été très affecté. Il semblait réaliser toute l’importance des conséquences, et la grande responsabilité de sa position. Nous escortant jusqu’au bateau sur le quai, il nous pressa cordialement la main en guise d’adieu, en remarquant :  » Si nous ne nous rencontrons plus jamais dans ce monde, que Dieu nous permette de nous rencontrer dans l’autre.’

Il était alors 4 heures du matin. Le capitaine James réveilla aussitôt son commandement, et prit des dispositions pour exécuter l’ordre. Il était un grand admirateur de Roger A. Pryor, et lui dit :  » Vous êtes le seul homme à qui je céderais l’honneur de tirer le premier canon de la guerre  » ; et il


Fort Sumter après la bataille
Le drapeau confédéré flotte au-dessus

offrit de lui permettre de le tirer. Pryor, en recevant cette offre, fut très agité. D’une voix rauque, il dit :  » Je ne pourrais pas tirer le premier canon de la guerre. Ses manières étaient presque semblables à celles du major Anderson que nous avions quitté quelques instants auparavant sur le quai de Fort Sumter. Le capitaine James ne permettait à personne d’autre que lui de tirer le canon.

Le bateau avec les aides du général Beauregard quitta Fort Johnson avant que les dispositions ne soient prises pour le tir du canon, et posa ses rames, à environ un tiers de la distance entre le fort et Sumter, là pour assister au tir du « premier canon de la guerre » entre les États. Il fut tiré par un mortier de dix pouces à 4h30 du matin, le 12 avril 1861. Le capitaine James était un officier habile, et le tir de l’obus fut un succès. Il éclata immédiatement au-dessus du fort, apparemment à une centaine de pieds au-dessus.

Le tir du mortier réveilla les échos de tous les coins et recoins du port, et en cette heure morte de la nuit, avant l’aube, ce tir fut un son d’alarme qui fit se lever chaque soldat du port, et sortir de leur lit chaque homme, femme et enfant de la ville de Charleston. Un frisson a parcouru toute la ville. On sentait que le Rubicon était franchi. Personne ne songea à rentrer chez lui ; aussi peu habitués que fussent leurs oreilles aux sons effroyables, ou aux éclairs vifs des batteries, ils restèrent pendant des heures fascinés par l’horreur. »

Le récit de Stephen Lee figure dans : Buel, Clarence et Robert U. Johnson, Battles and Leaders of the Civil War, Vol. I (1888, réédité. 1982) ; McPherson, James M. Battle Cry of Freedom : L’époque de la guerre civile (1988) ; Niven, John, The Coming of the Civil War 1837-1861 (1990).

Comment citer cet article :
« Le premier coup de feu de la guerre civile : la reddition de Fort Sumter, 1861 » EyeWitness to History, www.eyewitnesstohistory.com (2006).

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