Récemment, l’American Heart Association/American College of Cardiology (AHA/ACC), en partenariat avec de multiples sociétés, a publié ses nouvelles lignes directrices pour la gestion du cholestérol sanguin.1 Il s’agit d’une ligne directrice très complète qui englobe de nombreux troubles cliniques,notamment en matière de prévention primaire. D’emblée, elles fournissent les 10 principaux messages à emporter.

Dans ce commentaire, nous nous concentrerons largement sur les points saillants en ce qui concerne la prévention primaire et secondaire. Ces lignes directrices acceptent lespanels lipidiques à jeun et non à jeun pour le dépistage initial.

Pour la prévention primaire et secondaire, on insiste sur un mode de vie sain pour le cœur en plus des traitements médicamenteux.1 Les lignes directrices soulignent que tous les adultes devraient avoir une alimentation saine comprenant des légumes, des fruits, des noix, des grains entiers, des protéines végétales ou animales maigres et du poisson, et réduire au minimum la consommation de gras trans, de viandes transformées, de viande rouge, de glucides raffinés et de boissons sucrées. L’apport calorique doit être ajusté pour éviter la prise de poids et favoriser la perte de poids. En outre, l’activité aérobique doit être encouragée chez les adultes. Celle-ci doit comprendre trois à quatre séances d’environ 40 minutes d’activité physique d’intensité modérée à vigoureuse par semaine1. L’arrêt du tabac est fortement conseillé pour tous les adultes.

La thérapie par la statine est recommandée comme traitement médicamenteux de première ligne pour la prévention primaire des maladies cardiovasculaires athérosclérotiques (ASCVD).1 Pour les patients diabétiques et atteints d’hypercholestérolémie familiale (HF) avec un cholestérol à lipoprotéines de basse densité (LDL-C) >190 mg/dl, il n’est pas nécessaire de procéder à une évaluation du risque avant d’initier un traitement par statine, le premier étant initialement d’intensité modérée. Les lignes directrices soulignent l’importance de l’évaluation du risque d’ASCVD en prévention primaire, et ce dès l’âge de 20 ans afin d’initier des recommandations qui optimisent le style de vie et une éventuelle thérapie par statine. Il est important de souligner que les lignes directrices recommandent une approche en trois étapes pour l’évaluation du risque en prévention primaire pour les 40-75 ans : l’équation de cohorte poolée (PCE), l’utilisation de facteurs d’augmentation du risque pour personnaliser la discussion sur le risque entre le clinicien et le patient et enfin l’obtention d’un score de calcium coronarien (CAC) si la décision sur le risque est encore incertaine.1 Chez les adultes asymptomatiques âgés de 40 à 75 ans, ils suggèrent d’estimer le risque d’ASCVD à 10 ans en utilisant l’équation de cohorte groupée (PCE) spécifique à la race, au diabète et au sexe, qui est la mesure la plus robuste à ce jour. Un score PCE <5% correspond à un faible risque, 5-7,4% est défini comme un risque limite, 7,5-19,9% comme un risque intermédiaire et ⩾20% comme un risque élevé.1 Pour un risque élevé, on peut initier un traitement par statine de haute intensité. Pour les catégories de risque limite et intermédiaire, un traitement par statine d’intensité modérée peut être initié pour obtenir une réduction du LDL-C entre 30 et 49 %. Pour un risque faible, les changements de mode de vie décrits ci-dessus suffisent.

En outre, pour l’initiation ou l’intensification d’un traitement par statine, les lignes directrices suggèrentla prise en compte des facteurs de renforcement du risque : antécédents familiaux d’ASCVD prématurée, élévation persistante duLDL-C ⩾160 mg/dl et du non-HDL-cholestérol >190 mg/dl, maladie rénale chronique,syndrome métabolique, conditions spécifiques aux femmes (pré-éclampsie et ménopause prématurée), conditions inflammatoires chroniques telles que la polyarthrite rhumatoïde, le psoriasis,le VIH, l’ascendance sud-asiatique (cette dernière est un nouvel ajout à toutes les lignes directrices précédentes).1 D’autres facteurs de risque ont été ajoutés, notamment une élévation persistante des triglycérides (TG) de ⩾175 mg/dl (mesurés à trois reprises), ce qui s’écarte des lignes directrices précédentes qui préconisaient des TG > 150 mg/dl et pourrait entraîner une classification erronée du syndrome métabolique2. En outre, s’il est mesuré, un taux de lipoprotéines (a) ⩾50 mg/dl chez les patients ayant des antécédents familiaux d’ASCVD prématurée est considéré comme un facteur d’augmentation du risque, un taux de hsCRP>2 mg/l (qui était précédemment classé comme risque intermédiaire d’ASCVD) est un facteur d’augmentation du risque, et ce dernier peut guider le traitement chez des individus sélectionnés.En outre, chez les patients présentant un taux de TG ⩾200 mg/dl, un taux élevé d’apoB de ⩾130 mg/dl (ce qui équivaut à un taux de cholestérol LDL de ⩾160 mg/dl) est considéré comme un facteur d’augmentation du risque1. En outre, un indice cheville-brachial <0,9 est également un facteur d’augmentation du risque. Si une incertitude persiste quant à l’introduction d’un traitement par statine, une évaluation du CAC peut être proposée chez les patients à risque intermédiaire pour guider le traitement par statine. Si le score CAC est de 0 unité Agatston, en l’absence d’autres facteurs de risque majeurs tels que le diabète, les antécédents familiaux d’ASCVD prématurés et le tabagisme, il est raisonnable d’interrompre le traitement et de réévaluer le risque dans 5 à 10 ans.1 Si le score CAC est de 1 à 99 unités chez les personnes de plus de 55 ans, il est raisonnable d’initier un traitement par statine. Si un patient a un score CAC ⩾100 unités ou ⩾75e percentile, il est prudent d’initier une thérapie par statine.

Les lignes directrices pour la thérapie par statine incluent les patients âgés de 20 à 75 ans avec desLDL >190 mg/dl chez qui des statines de haute intensité devraient être initiées.1 De même, tous les diabétiques de type 2, âgés de 40 à 75 ans, sont recommandés pour des statines d’intensité modérée, à moins qu’ils ne présentent d’autres facteurs d’aggravation du risque ou un risque d’ECP >20 %, auquel cas des statines d’intensité élevée devraient être envisagées pour une >50 % de réduction du LDL-C1. Ces facteurs d’augmentation du risque spécifiques au diabète comprennent : une longue durée ,une albuminurie (>30 µg/mg de créatinine), un débit de filtration glomérulaire (DFG)<60 ml/min/m2, une rétinopathie, une neuropathie et un ABI < 0.9.1 Les lignes directrices recommandent d’intensifier le traitement par statine chez les DT2 >50 ans.Cependant, les preuves issues des essais cliniques sont limitées pour soutenir le traitement par statine chez les patients âgés de 20 à 39 ans, en particulier les DT1. De même, dans le cas du DT2 avec ASCVD ou risque à 10 ans >20%, les données probantes soutiennent l’ajout d’ézétimibe pour atteindre >50% de réduction du LDL-C si le niveau seuil de LDL >70 mg/dl.1 En outre, un traitement inhibiteur de la proprotéine convertase subtilism/kexine de type 9 (PCSK9) peut être utilisé si le seuil de LDL-C dépasse 70 mg/dl et si une ASCVD est présente3,4.

Les lignes directrices suggèrent d’évaluer l’adhésion et le pourcentage de réponse aux médicaments hypolipidémiants et aux changements de mode de vie avec une mesure répétée des lipides 4 à 12 semaines après le début du traitement par la stéatite ou l’ajustement de la dose et répétée tous les 3 à 12 mois si nécessaire.1

Les recommandations pour les enfants et les adolescents ont été soulignées dans les lignes directrices.Dans ce groupe, chez tous les enfants et les adolescents présentant des troubles lipidiques liés à l’obésité, la recommandation a été faite d’intensifier la thérapie du mode de vie, y compris la restriction calorique et l’activité physique aérobie. De même, dans ce groupe, en cas d’élévation persistante des LDL >190 mg/dL ou >160 mg/dL pour une présentation compatible avec l’HF, l’initiation d’un traitement par statine était recommandée sans évaluation du risque. Chez les patients atteints d’HF, le seuil souhaitable de LDL-C devrait être <100 mg/dl, et l’ézétimibecan peut être ajouté au traitement par statine maximale tolérée si ce seuil est dépassé.1 On peut également envisager d’utiliser un traitement par inhibiteur de PCSK9 pour atténuer le risque d’ASCVD dans l’HF si le seuil est toujours dépassé.1 Chez les enfants et les adolescents ayant des antécédents familiaux d’ASCVD précoce ou présentant une hypercholestérolémie significative, une obésité, etc., la mesure du profil lipidique à jeun ou non est recommandée dès l’âge de 2 ans. Les lignes directrices soutiennent l’utilisation de statines chez les enfants et les adolescents >10 ans qui sont atteints de FH et qui n’ont pas répondu à des changements de style de vie pendant 3 à 6 mois ; l’intensité du traitement par statines devrait être basée sur la gravité de l’hypercholestérolémie1.

Pour les personnes âgées, >75 ans, les preuves en faveur d’un traitement par statines ne sont pas aussi solides, l’évaluation soclinique du statut de risque lors d’une séance de discussion sur le risque entre le clinicien et le patient est nécessaire pour décider d’initier ou non un traitement par statines en tenant compte des comorbidités et de la longévité1. Cependant, chez un patient déjà sous traitement par statine, il est raisonnable de poursuivre le traitement.

Dans la prévention secondaire des ASCVD, deux stratégies de traitement pour les patients avec et sans risque très élevé sont proposées.1 Le risque très élevé est défini comme un historique de plusieurs événements ASCVD majeurs ou d’un événement ASCVD majeur avec plusieurs conditions à haut risque. Le diagnostic d’événements majeurs liés aux ASCVD comprenait : un syndrome coronarien aigu récent dans les 12 mois, des antécédents d’infarctus du myocarde, des antécédents d’accident vasculaire cérébral ischémique, des accidents ischémiques transitoires et une artériopathie périphérique symptomatique (indice branchial de la cheville <0,9 avec claudication ou antécédents de revascularisation ou d’amputation) ou un anévrisme aortique1. Les conditions à haut risque comprenaient l’âge ⩾65 ans, l’hypercholestérolémie familiale hétérozygote, les antécédents de pontage coronarien ou d’ICP en dehors d’événements ASCVD majeurs (définis ci-dessus), le diabète sucré, l’hypertension, maladie rénale chronique (DFG estimé < 60 ml/min/m2), tabagisme actuel, élévation persistante du cholestérol à lipoprotéines de basse densité (LDL-C) ⩾100 mg/dl malgré la prise d’une statine et d’ézétimibe au maximum toléré, et antécédents d’insuffisance cardiaque congestive.1 Pour les patients présentant un risque très élevé d’ASCVD, la statine de haute intensité ou tolérée au maximum est la pierre angulaire du traitement. Si le seuil de LDL-C est ⩾70 mg/dl, l’ézétimibe doit être ajouté et si le patient présente toujours un seuil de LDL-C ⩾70 mg/dl ou un non-HDL-C⩾100 mg/dl, l’ajout d’un inhibiteur de PCSK9 est raisonnable1,3.

Chez les patients >75 ans atteints d’ASCVD ne présentant pas un risque très élevé, les lignes directrices suggèrent de poursuivre le traitement par statine d’intensité élevée (atteindre une réduction du LDL-C ⩾50 %) ou d’initier un traitement d’intensité modérée (atteindre une réduction du LDL-C de 30 à 49 %).1 Chez les patients ⩽75 ans, un traitement par statine d’intensité élevée doit être initié. Chez ces patients, si la statine d’intensité élevée ne permet pas d’atteindre un LDL-C < 70mg/dl ou ne peut être tolérée, il faut envisager d’ajouter de l’ézétimibe à une statine d’intensité modérée ou élevée1. Chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque due à une ASCVD avec fraction d’éjection réduite, avec une espérance de vie raisonnable de 3 à 5 ans, une statine d’intensité modérée pourrait être envisagée, bien que, sur la base des critères d’évaluation primaires des études réalisées à ce jour, les données soient loin d’être convaincantes.1 Les lignes directrices ne recommandent donc pas le traitement par inhibiteur de PCSK9 pour tous les patients souffrant d’ASCVD, mais seulement pour ceux présentant un risque très élevé d’ASCVD. Cette recommandation est probablement fondée sur les coûts importants et les problèmes de sécurité à long terme de cette classe de médicaments puissants et prometteurs. Les coûts semblent avoir été considérablement réduits depuis la publication de cette directive.

En conclusion, les directives sont généralement fondées sur des preuves solides. Cependant, comme souligné plus haut, la recommandation de traitement par statine chez les diabétiques <40 ans est basée sur des preuves limitées. De plus, on ne comprend pas pourquoi le traitement par inhibiteur de PCSK9 n’est pas indiqué chez tous les patients atteints d’ASCVD qui ont un seuil de cholestérol LDL >70 mg/dl, malgré un traitement par statine et ézétimibe maximal toléré. Enfin, les auteurs doivent être applaudis pour avoir mis l’accent sur un acteur majeur, le patient, dans la prise de décision partagée.

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