Raison de l’affichage : Diane-35, un contraceptif oral doté de propriétés anti-androgènes, a été fortement commercialisé auprès des jeunes femmes1 et a vu ses ventes au Canada bondir de 45 % entre 2000 et 2001 seulement.2 Cependant, de nombreux médecins ne sont peut-être pas au courant des préoccupations concernant le profil de sécurité du médicament3 et du fait qu’il n’est pas approuvé pour être utilisé uniquement comme contraceptif oral4. Le comité britannique sur la sécurité des médicaments a récemment émis un avertissement sur le risque de thromboembolie veineuse lié au médicament,5 qui a été repris mot pour mot par Santé Canada à la fin décembre 2002.
Le médicament : Diane-35, qui contient de l’éthinylestradiol (35 μg) et de l’acétate de cyprotérone (2 mg), permet une contraception efficace mais n’est pas indiqué comme tel4. L’acétate de cyprotérone a des effets anti-androgènes résultant en partie de son blocage des récepteurs androgènes, et Diane-35 est approuvé uniquement comme traitement des affections cutanées sensibles aux androgènes, y compris l’hirsutisme et l’acné sévère ne répondant pas à une antibiothérapie orale.4 Le traitement par Diane-35 doit être interrompu 3 à 4 cycles menstruels après la résolution de l’affection cutanée de la femme.4,5 Les avertissements visant à minimiser l’exposition de la femme au médicament résultent en partie de l’association avec la maladie thromboembolique veineuse.
Depuis que des cas de thromboembolie veineuse ont été signalés pour la première fois dans les années 1960 chez des femmes prenant des contraceptifs oraux combinés, des préparations ont été développées avec des doses plus faibles d’œstrogènes (généralement 30-40 μg d’éthinylestradiol, par rapport à > 50 μg à l’origine) et différents composants progestatifs6. Les préparations à faible teneur en œstrogènes sont associées à des taux plus faibles de thrombose veineuse, mais elles comportent toujours des risques de thromboembolie veineuse apparemment liés à leur composant progestatif. Les progestatifs dits de « troisième génération » (par exemple, le désogestrel) sont associés à un risque de thrombose veineuse environ deux fois plus élevé que celui des progestatifs de première (noréthindrone) ou de deuxième génération (lévonorgestrel),7,8,9 bien que cette association soit controversée10. Une étude danoise n’a montré aucune différence de risque de thromboembolie veineuse entre les utilisatrices de lévonorgestrel et de cyprotérone11 ; cependant, une vaste étude cas-témoins portant sur près de 100 000 femmes au Royaume-Uni a montré que les femmes prenant des contraceptifs oraux contenant de la cyprotérone avaient un risque de thromboembolie veineuse quatre fois plus élevé que celles prenant des combinaisons de lévonorgestrel3. En ce qui concerne l’embolie pulmonaire mortelle, une étude cas-témoins menée en Nouvelle-Zélande a montré que, par rapport aux femmes ne prenant aucun contraceptif oral, le rapport de cotes ajusté était de 17,6 (intervalle de confiance à 95 % 2,7-113) chez les femmes prenant de l’acétate de cyprotérone, de 5,1 (IC à 95 % 1,2-21,4) chez les utilisatrices de lévonorgestrel et de 14,9 (IC à 95 % 3,5-64,3) chez les utilisatrices de désogestrel ou de gestodène12.
Les utilisatrices de contraceptifs oraux présentant un risque accru de thromboembolie veineuse comprennent celles qui sont obèses7 et celles qui sont porteuses de mutations prothrombotiques (les porteuses du facteur V Leiden présentent un risque 35 fois plus élevé que les femmes ne présentant pas cette mutation).6 On ignore dans quelle mesure d’autres facteurs de risque de thrombose veineuse (blessure, immobilité, état postopératoire ou état post-partum) influent sur le risque associé aux contraceptifs oraux. Le tableau 1 présente diverses estimations des risques de thromboembolie veineuse non fatale. Contrairement à la thrombose artérielle,16 le risque de thrombose veineuse chez les utilisatrices de contraceptifs ne semble pas affecté par l’âge de la femme, ses antécédents d’hypertension ou son statut tabagique.7 La thrombose veineuse se développe chez les femmes prenant des contraceptifs oraux combinés, généralement au cours de la première année après le début de la prise du médicament.17
Tableau 1
Ce qu’il faut faire : Diane-35 doit être réservé à un usage temporaire chez les femmes souffrant d’acné grave et ne doit pas être utilisé uniquement comme contraceptif oral. Toutes les femmes qui utilisent des contraceptifs oraux combinés sont exposées au risque de thromboembolie veineuse et doivent être informées de cet effet indésirable rare mais potentiellement grave, en particulier si elles prennent Diane-35. Il est clair que la prudence, et non la panique, est de mise. Par exemple, le fait de faire passer 2220 femmes de Diane-35 à un contraceptif oral au lévonorgestrel pendant 1 an permettrait d’éviter 1 cas de thromboembolie veineuse non mortelle. Les médecins devraient envisager de ne pas prescrire Diane-35 aux femmes présentant un risque de thromboembolie veineuse (en particulier celles qui sont porteuses de mutations prothrombotiques), tout en reconnaissant qu’une telle approche de la prévention de la thrombose veineuse est limitée par le fait que la plupart des événements thrombotiques veineux sont véritablement idiopathiques (c’est-à-dire que les femmes ne présentent aucun facteur de risque cliniquement reconnaissable).6
Eric Wooltorton CMAJ
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